C'est un départ
Ça fait longtemps qu'on l'attendait celle-là. Notre premier vrai trek en famille s'est soldé par un succès... avec plusieurs améliorations en vue pour les prochains. Depuis que nous nous sommes posés à Surkhet, les montagnes qui nous entourent ne cessaient de nous murmurer à l'oreille de venir les sillonner. En fait, selon la langue népalaise, nous devrions dire collines ou ''dada'', car les vrais montagnes, on les appellent ''Himal''. Himal, ces montagnes légendaires et glaciers majestueux qui trônent au-dessus des nuages. Pour vous donner un idée, notre colline (mont) Orford, en Estrie, s'élève à 850 m. Les alpes vaudoises atteignent une altitude de 2000-2500 m. Ce premier trek se situait entre 500 et 2600 m.
C'est avec mes collègues d'EDS que ce premier trek allait se dérouler.
Durée du périple : 3 jours
Destination finale :Matela
Altitude maximale: 2600 m
Objectif: Effectuer la remise (handover) officielle des infrastructures sanitaires, d'irrigation et d'eau potable construites avec le support d'EDS et Oxfam GB à la communauté de Matela.
Nombre de participants au trek: 11
Les préparatifs
Ce trek en était un de camping presque sauvage. Nous devions donc amené tente, 4 them-a-rest, linge chaud pour tout le monde et des couches en masse. Nous avons d'ailleurs tergiverser longtemps avant de choisir entre les couches jetables ou lavables, sachant que nous aurions à superviser la disposition de ces dernières pour s'assurer qu'elles soient brulées et non jetées dans la rivière. Finalement, sur tout le lot des jetables amenées, nous en avons seulement laissé 4 derrière nous. Nous les avons presque toutes ramenés pour s'assurer de les bruler nous même...
La nourriture nous serait fournie le long du parcours, nous disait nos collègues. Un sac Lowe Alpine 85 L + 1 sac à dos pour transporter Théo + 1 sac de 50 L pour l'eau et grignotines + 1 petit 30 L pour les autres petits trucs + deux gros morceaux de tissus pour trainer Emma et Naomi sur notre dos ou notre ventre.
Le départ était prévu pour dimanche matin 6 hrs. Nous sommes partis à 7h30.
L'itinéraire
Avant de partir, Jagat nous avait fait part de son estimé pour la durée de chaque section. Il estimait la durée totale pour s'y rendre à 3 hrs de pick-up et 6 heures de marche. Le mot estimé était à prendre avec scepticisme, surtout considérant que nous avions trois enfants avec nous.
Première section : Surkhet-Ranimatta: Cette route est celle qui nous amène au-dessus de la vallée de Surkhet. Elle est le lien entre Dailekh, le district voisin et Surkhet. Elle est en gravelle et acceptable. Un premier arrêt à 9h30 pour un petit déjeuner. Ensuite, la route se corse.
Deuxième section: Ranimatta- Nigalpani-Dharampokhara: Kiran m'annonce que nous nous en allons danser pendant quelques heures. En fait, c'est plutôt les 2 pick-up qui se sont déhanchés pendant tout ce temps. Heureusement, l'équipe a eu la gentillesse de nous laisser les sièges à l'avant pour épargner les enfants.
Ce qui devait prendre 4 heures en a pris 6 à se faire barouetter en fou dans ces deux pick-up 4X4 Mahindra. 6 heures à une vitesse moyenne de 5-10 Km/h. 6 heures à traverser des étangs au travers de la route et à naviguer à travers des roches immenses. De la bouette jusqu'au bas des portes, beaucoup de bouette, de la bouette à plus finir. Les conducteurs semblaient bien à l'aise avec tout ça. On débarquait souvent lors des passages plus périlleux. Un bref arrêt à Nigalpani pour manger. Nous sommes restés pris qu'une seule fois.
Troisième section : Déjà 15h30. La randonnée à partir de Dharampokhara jusqu'à Matela commence. Première surprise, nous devons descendre pendant trois heures pour rejoindre ce petit hameau d'une centaine d'habitants. Le dénivelé est assez prononcé.
Tout le long du sentier, nous croisons paysans, fermiers et autres habitants tous incrédules de voir une famille de blancs débarqués dans ce coin de pays reclus, loin de tout mouvement de touristes. L'agriculture à flanc de montagne y est impressionnante. Dans ces contrées isolées du reste du monde, le transport se fait à pied. L'autosuffisance est la règle d'or. Incroyable de voir toutes ces cultures de mais, de riz, de beans et de ganja qui s'érigent sur chacun des paliers. Des escaliers nourriciers qui ont pris des siècles à se faire sculpter.
Nos genoux commençaient à flancher par eux-même lorsque nous avons aperçu la petite bourgade qui nous attendait dans cette petite vallée verdoyante située sous les nuages.
Rizières et rivière nous y attendaient.
Le village de Matela
Matela: magnifique petite vallée paisible. Un havre de pays. Par contre, on y habiterait jamais. Aucune route, pas d'électricité, biens de consommations pratiquement inexistants. La simplicité autartique ! Nous sommes arrivés à 18h45. Ce qui nous laissait 45 minutes pour monter la tente avant la noirceur. Nous n'avions pas encore mangé. Les enfants collaboraient encore malgré cette longue journée. Ouf ! Merci. Notre spot: le bord de la rivière qui allait tenter de nous bercer durant toute la nuit.
Les infrastructures
EDS accompagne cette communauté dans la construction d'installations sanitaires et de système d'eau potable depuis quelques temps. Résultats après quelques années à travailler avec la communauté: 4 collecteurs de d'eau de source, 5 réservoirs, 14 bassins de décantation, 22 sorties d'eau, 10.2 km de pipeline, 134 latrines, 19 cabanes de douches pour que les femmes puissent se laver en toute intimité, surtout lorsqu'elles sont dans leur règle, nous dit-on. Auparavant, elles étaient généralement rejetées, ne pouvant adéquatement se laver.
Le retour
Le lendemain matin, les petits se réveillent à 6h00. Ils avaient passé une très belle nuit. Par contre, le marchand de sable n'étaient pas passé avant 2h00 AM pour papa et maman, incapables de dormir pour aucune raison valable. Trop épuisés, j'imagine.
On range la tente et on mange un petit déjeuner; des chapatis sur feu de bois. On propose aux gars de partir avant eux et d'engager trois porteurs pour nous aider à remonter. (3hrs de descente la veille) La montée abrupte, nos muscles endoloris et nos ampoules mures pour éclater nous disaient que ce serait plus sage.
Ensuite, nous assistons à la cérémonie officielle du handover de EDS à la communauté pour qu'elle prenne l'entretien et le maintien des installations en charge. Évènement ayant lieu à "l'hotel de ville." Suite à une brève présentation, nous convenons que c'est le temps de quitter, déjà ! Les présidents de l'assemblée nous demandent de venir à l'avant. Ils s'installent et se trempent le pouce dans une poudre rougeâtre. 4-5 personnes, tour à tour, nous enduisent le front de cet étrange mélange. C'est un bindi, un tika pour les népalais. Celui-ci est plus précisement un Baishnav. Il signifie la joie. C'est en l'honneur du dieu Krishna. Ce geste est une tradition qui souhaite à l'invité, au voyageur, un bon retour.
Le seul hic avec ces tikas, c'est qu'ils ne sont pas conçus à l'épreuve de la sueur. Quand papa et maman pompaient à la remontée, cette poudre est devenue un liquide visqueux glissant le long de nos sourcils.
Et puis notre chère Didi Tulsi. La pauvre. Elle avait été si surprise que nous l'invitions à faire ce trek. Elle qui n'avait jamais mis les pieds dans les montagnes entourant la vallée de Surkhet. Elle qui n'avait jamais visité le peuple des montagnes. Mes collègues étaient hésitants à ce qu'elle se joigne à nous. Selon eux, elle était trop "grosse". Loufoque comme raison !On voulait qu'elle vienne. Suite à des vérifications auprès de sa famille, elle nous rappelle pour nous dire, toute heureuse, qu'elle sera de la partie.
Le lendemain, elle arrive vêtue d'une magnifique Kurta. Elle l'avait commandée à la hâte la veille. Incapable de la payer tout de suite, elle allait le payer à sa prochaine paie. Elle avait emprunté un collier et des belles boucles d'oreille à sa bonne amie. Pour elle, c'était comme une grande sortie du dimanche. Elle portait des sandales. Nous lui avons offert les chaussures d'Annik mais elle n'en voulait pas, prétextant qu'elle n'en avait jamais porté et qu'elle serait ainsi déséquilibrée.Laissez-moi vous dire qu'au deuxième jour, elle a accepté de les mettre. Nous les avions tout de même amené en cachette.
Une chance qu'elle est venue. Même si elle a trouvé son expérience très difficile, elle s'en souviendra jusqu'à la fin de ses jours. Elle réalise maintenant à quel point elle est heureuse à Surkhet: électricité, nourriture variée, un marché ayant plus que deux magasins (comptoirs), etc. Elle aura été d'un grand réconfort pour Annik qui s'est vu isolée du souper et de la soirée par une séparation tranchée entre les hommes et les femmes dans le village. Notre didi (grande soeur) Tulsi était là pour Annik.
Riz, bananiers et montagnes rocheuses se côtoyaient sous les nuages.
À notre très grande surprise, nous avons mis autant de temps à gravir le sentier qu'à le descendre. Les trois porteurs auront fait TOUTE la différence. Nous avions un rythme soutenu. Pas trop de pauses. Emma était en feu. Elle nous suivait à la même vitesse pour les 2/3 de la remontée, bougonnant lorsqu'on voulait lui donner la main dans les passes plus difficiles. Orgueilleuse, je vous dis. 3 heures pour revenir au sommet. Les porteurs s'échangeaient régulièrement leur chargement inégal. Naomi était principalement transportée par Annik.
Une fois revenu en haut, la petite communauté s'est excitée. Cette vieille dame était bien contente de se faire prendre en photo contrairement à d'autres femmes qui elles, préféraient refuser. Elles avaient peur que leur image atterrisse sur le web ou sur un magazine. Leur esprit serait ainsi immortalisé, en quelque sorte. Des croyances de ce genre.
Cette jeune femme aussi tenait à ce que l'on capture une image d'elle et de son nouveau-né d'un mois. Elle était si fière de poser avec celui-ci devant les étalages de son petit commerce.
Ces jeunes filles et ce petit garçon tout souriant attendaient leur tour. Vous voyez la ceinture autour de la taille du petit gars ? Eh bien, elle révèle sa profession. Il et elles sont des porteurs. Un petit entrepôt les contractait quotidiennement pour amener des dizaines de bouteilles d'huile végétale, des poches de ciment ou de riz de 30-40 kg accrochés avec cette sangle qui tient sur le front. Ceux de 50 kg étant réservés pour les plus grands. Aucune bretelle. Seulement une sangle. Ainsi, ils portaient ces poches aux villages dans les sentiers sinueux de ces montagnes inaccessibles par la route.
Ces quelques roupies du voyage étaient leur gagne-pain; leur participation au salaire familial. Ces temps-ci, ils vont moins souvent à l'école. Ils semblaient toutefois heureux.
Cette vieille dame aussi était particulièrement excitée à l'idée de tenir la petite Naomi dans ses bras. On voit quand même que la santé dentaire n'est pas accessible à tous et toutes dans ces contrées lointaines.
La pose. Les népalais sont fiers. Leur culture est riche et diversifiée. Chaque groupe ethniques a ses propres caractéristiques. Les ornements que ces femmes colorées portent au nez sont particulièrement fréquents et visibles chez les femmes des communautés montagnardes.
Le soleil s'est pointé au-dessus des nuages. Ici, nous voyons le hameau de Dharampohkara.
Les immenses boules blanches que vous apercevez à gauche sont des réservoirs d'eau potable. Les finlandais en ont installé des centaines tout le long de cette crête montagneuse. Les habitants devaient s'approvisionner dans un ruisseau plusieurs centaines de mètres plus bas faute d'avoir une source d'eau en altitude. Ils, ou plutôt, elles devaient marcher des heures chaque jour pour pouvoir s'abreuver.
Un système fort simple: le petit toit de tôle recueille l'eau de pluie. Une gouttière l'achemine vers le réservoir. Cependant, un Y permet de rediriger l'eau sale des 15 premières minutes de l'averse sur le sol. Ensuite, une valve actionnée à la main redirige l'eau vers les réservoirs.
Nous avons vu beaucoup de panneaux solaires et de toits végétal. Celui-ci commençait à être légèrement surchargé...
La route du retour a été ponctuée de quelques pépins. Nous avons du retirer un arbre qui était tombé sur la route le matin même. La nuit tombait. Quelques instants suivant cet effort collectif, un des deux pick-ups tombe en panne. Nous devrons coucher dans une ... classe de l'école primaire du village où nous nous trouvions à ce moment. Contrairement à la nuit précédente, le sommeil fut profond dès nous nous sommes étendus jusqu'aux petites heures du matin.
Le lendemain matin, nous étions toujours dans les nuages. Un petit thé pour nous revigorer et nous étions reparti pour un autre 6 heures de route. Sur le long du chemin, les collègues ont fait le plein de légumes directement achetés auprès des producteurs locaux à deux fois moins cher que sur le marché de Surkhet.
À Ranimatta, un bus dont la transmission était complètement bloqué nous a barré la route pendant plusieurs heures jusqu'à temps que les chauffeurs décident de les contourner à quelques millimètres près.
Lorsque nous sommes arrivés à la maison, nous nous sommes tous rués vers la douche. Le lendemain matin, Théo a dormi jusqu'a 9h00 AM. Phénoménal ! Un record en terre népalaise qui témoignait de son épuisement.
Ce premier trek était un premier test. Les mois de septembre et octobre s'en viennent. La meilleure saison de l'année pour les treks. Nous sommes actuellement en pleine période de planification pour déterminer les différentes expéditions que nous allons faire. La randonnée en famille nécessite beaucoup de préparations. Ce banc d'essai permettra de corriger le tir pour les prochains. Somme toute, c'est une réussite ! Ça promet.