lundi 14 mars 2011

Pilotes d'avion d'un jour vers Simikot



L'autre jour, j'ai dit à Annik que nous aurions avantage à faire un check-list pour ne rien oublier en vue de notre départ. Il ne reste que 4 jours à Surkhet. Cette simple suggestion a pris Annik au dépourvu : le retour à une vie où le temps file à toute allure arrive à grands pas. Contrairement à la plupart de nos départs, nous nous sommes dit que ce serait bien de finir de nos bagages au moins deux jours avant de partir plutôt que deux minutes cette fois-ci.

Sur la check-list en question, nous avions un point bien important: accepter l'offre de James, un de nos amis pilote d'avion, surtout que mon frère Simon vient tout juste d'arriver. La compagnie pour laquelle James travaille, Air Kastmandap, est basée à Surkhet. Il est instructeur à bord d'un petit appareil sensible, adapté aux montagnes et conçu en Nouvelle-Zélande, son pays d'origine. Le principal client de sa compagnie est le Programme Alimentaire Mondial (PAM) de l'ONU. Il transporte surtout du riz vers les districts inaccessibles du nord, aux frontières du Tibet. La semaine dernière, il nous indiquait qu'il aurait quelques petites places pour nous pendant pour un aller-retour Surkhet-Simikot.


Quelques minutes après le décollage, les «collines» de Surkhet cédaient la place au mur Himalayen qui se dressait devant nos yeux.


James me fait signe de venir à l'avant dans le cockpit en remplacement de son co-pilote. Il me fait un petit cours 101 sur les instruments de navigation aérienne. Puis, alors que je tenais le joystick depuis 5 minutes, il me lance: «Hey mate, how do you like it ? » En le regardant, les mains sur ses genoux, je réalise que je pilote l'avion depuis ces 5 dernières minutes. Wow, quel effet ! Un peu à gauche, un peu à droite, un petit plongeon, un beau joujou cet appareil. J'aurais jamais cru m'amuser autant au-dessus du toit du monde !



Quelle chance pour nous tous ! Dire que ces paysages sont seulement à 35 minutes ... à vol d'oiseau de notre maison. Tout simplement fabuleux. Simon s'est laissé aller à coeur joie quelques centaines de photos en une heure et demi.




Nous apercevons l'aéroport en terre battue au loin.


Simikot est un petit village de quelques milliers d'habitants. Capitale du district de Humla, le village est perché à 3000 m et reçoit un flot constant d'avions et d'hélicoptères acheminant des vivres et équipements. La piste d’atterrissage ne mesure que 549 m, commençant juste au-dessus d'une falaise de quelques centaines de mètres.




Une fois l'avion stationné, Simon est allé prendre cette shot. Remarquez les poteaux d'acier qui seront déployés dans la région pour améliorer le réseau de distribution d'électricité. Il parait qu'ils en ont 24h/24h ici. Chanceux. Pour ça en tout cas ! On ne le voit pas dans la photo mais il y a avait également deux tracteurs et une pelle mécanique qui s'affairaient sur le tarmac. L'asphalte s'en vient. Comme tous ces poteaux électriques, les tracteurs ont été transporté par pont aérien, pièce par pièce en hélicoptère et ré-assemblés sur place. Aucun autre façon d'acheminer le tout.


Les deux roux avec James.


Annik est venu sur un vol différent. Les places étant limitées. 


De retour vers Surkhet.


Annik aussi a eu des sensations. Son heure de gloire comme pilote d'avion. Elle a refusé à James de faire une rotation latérale à 360 degrés. Moumoune :)


Elle avait la main sur le joystick à l’atterrissage à Simikot et au décollage. Ce que vous voyez sur la photo ci-dessus, c'est la vue à notre droite en décollant. 


Bravo capitaine !

Pour finir, voici un petit montage qui permet de vous transmettre un peu notre état lors de ce petit aller-retour fait entre 6h30 et 8h00. À 9h00, j'étais déjà au travail. C'est ce qui s'appelle partir la journée du bon pied malgré que notre estomac a pris quelques heures à s'en remettre. À surveiller dans le clip: La piste, l'atterrissage et Simon en état d'apesanteur.




vendredi 11 mars 2011

Un viol et la loi de la jungle



Hier, en allant à l'école de Kopila Valley (l'école à Maggie), j’apprenais une nouvelle déchirante. Maggie me disait tristement dans la cuisine, avant que je m'apprête à prendre mon repas : '' Yesterday, one of the kids got raped in the jungle ! '' À mes oreilles, ça sonnait comme si un gorille venait de violer un enfant. Un viol dans la jungle, la symbolique était puissante. J'étais fâchée, abasourdie, triste, en colère et confuse. Bref, plusieurs sentiments ont surgis.

Je me suis demandée pourquoi ? Pourquoi un homme d'une trentaine d'année a abusé sexuellement un jeune de 8 ans ! Cet homme connaissait le garçon. Il lui a dit: ''Je sais que tu vas à l'école de Maggie. Viens, je suis professeur. Je vais t'aider pour tes examens''. Le garçon l'a donc suivi et il s'est fait abuser dans la jungle, dans la forêt par voie anale à deux reprises.

Maggie l'a appris tandis qu'elle observait le garçon qui s'était présenté ce matin là pour faire son examen de fin d'année scolaire. Le jeune garçon regardait le plafond, ne sachant quoi trop écrire sur sa feuille d'examen qui était restée blanche. Il semblait dépassé par les évènements. Elle lui a demandé ce qui n'allait pas. Il lui a raconté son histoire tragique. Le jeune bambin n'a pas de parents. Il n'a pas su le dire à personne de peur que ses voisins le jugent ! Ici, les lois et les règles en vigueur ne s'appliquent pas. Le viol est tabou. C'est le genre de choses dont on ne parle pas. Ici, la loi est celle de la jungle; c'est toi qui fait ta loi, ta propre vengeance.

Quelle sera-t-elle ? Un rapport de police sera complété aujourd'hui. Seront-ils vigilants et donneront-ils suite au dossier ? Je ne crois pas. J'ai contacté une docteure et elle observera le petit pour prendre des prises de sang afin de vérifier s'il n'a pas contracté le VIH ou l'hépatite B. Elle lui donnera des antibiotiques aujourd'hui même. Ces médicaments guériront en partie la douleur des blessures physiques qu'il a subies. Il avait du mal à s’asseoir sur sa chaise. Cependant, rien ne saura réparer irrémédiablement le traumatisme psychologique intérieur qu'il éprouve. 

Que faire ? En parler SVP ! J'ai suggéré à Maggie qu'elle fasse un atelier sur le sujet à l'école afin de sensibiliser les enfants et surtout de ne pas rester muet. Les jeunes ont le droit d'être protégés. Ils ne sont que des enfants sans défense. Au Québec, c'est similaire mais notre système fait en sorte que les abuseurs peuvent être poursuivis et punis si dénoncés.


(La suite est écrite par François)

Ici, dans le far-west népalais (jeu de mot intentionnel), les poursuites criminelles n'existent pas au sens ou nous les connaissons. Si tu allonges des billets sous la table, peut-être que le chef de police se souciera un peu de toi. La loi de la jungle, c'est aussi celle du plus fort. La corruption est omniprésente. Des juges et un jury, c'est quoi ça ? Dans la jungle, c'est la justice pour soi-même, des jugements et des actes spontanés, souvent insensés. 

Il y a quelques semaines, à une heure d'ici, un chauffeur d'autobus a poursuivi sa route pendant quelques minutes avant de se rendre compte qu'un petit gars était resté pris sous le véhicule. Il l'avait traîné sur plusieurs kilomètres. Il l'avait tué. Des rumeurs disent que le jeune s'amusait sous le bus lorsque celui-ci a redémarré. Lorsqu'il a réalisé ce qui se passait, le chauffeur s'est arrêté immédiatement. En fait, il venait de signer son arrêt de mort. Des gens du coin l'ont accusé de meurtre sur le champs. Ils ont saisi les pierres les plus près et l'ont lapidé. Ensuite, il l'ont attaché et ont projeté son corps dans les eaux glacées de la rivière Bheri, à Mehelkhuna. 

La manchette s'est rendu dans les journaux nationaux comme un simple fait divers mais depuis, rien. La jungle s'est occupé d'elle même. Aucun procès, une petite enquête et voila, le tour est joué. Pendant les trois jours qui ont suivi, une bandha routière a été déclarée. Aucun véhicule n'était autorisé à prendre la route. Une bandha est une genre de grève déclarée par n'importe quel groupe, n'importe quand pour n'importe quelle raison. Elles ne sont pas appuyées par les autorités gouvernementales. Celle-ci, elle fut démarrée par les parents du garçon qui revendiquaient un montant forfaitaire de la part de l'association des transporteurs routiers pour la mort de leur fils. 

Les assurances qui existent pour la route couvrent seulement les frais de réparation pour des bris sur le véhicule. Aucune protection sur la vie humaine. Aucun mesure légale pour encadrer de tels litiges. Ce vide légal peut laisser place à des situations complètement invraisemblables et inacceptables. Maggie nous racontait récemment une autre histoire d'horreur en ce sens. Un homme qui conduisait un jeep a heurté une jeune fille au bras, rien de grave. Mais dès l'incident arrivé, elle supplia le chauffeur de la laisser saine et sauve, qu'elle ne lui causerait pas de problème. L'homme a tout de même décidé de la pourchasser à l'aide de son véhicule pour lui passer sur le corps jusqu'à ce que mort s'en suive, question d'être certain qu'elle ne s'en sortirait pas vivante. À notre connaissance, cet homme est encore libre. Il s'agit d'une pratique qui n'est pas forcément marginale.

La raison de son geste répréhensible : ça coûte moins cher ainsi. Payer un montant forfaitaire à la famille est moins dispendieux que de payer une indemnisation à vie pour quelqu'un que l'on rend inapte, handicapé. Ici, pas de SAAQ, d'assurances, seulement une jungle légale.

Nous avons assisté à quelques incidents au Népal durant notre séjour. La plupart du temps, les témoins se sauvent, de peur d'être impliqués, pourchassés et punis par des assaillants en quête de justice immédiate.

L'homme qui a violé ce jeune garçon qui fréquente l'école de Maggie sera dénoncé aujourd'hui. Aucun témoin à l'appui. Quel sort lui sera réservé ? Une vengeance sauvage de la part de la communauté ou une insouciance totale ? Le jeune garçon est une victime de la jungle. Le désir de vengeance peut être grand mais la soif d'une réelle justice doit l'emporter pour lui et son agresseur.

mardi 8 mars 2011

L'accouchement s'est bien déroulé


There it is. I finally gave birth. The baby is in the printing process. Color printing. The baby's name will be : "Fresh Vegetable Market Study for the Surkhet District : a Case designed for NGOs, collection centers and farmers". His mother tongue is already english. See by yourself, down below !

Ça y est ! J'ai finalement accouché. Après quelques mois de gestation, le bébé est en route pour l'impression. Une impression en couleur. Le rejeton s'appelera : "Fresh Vegetable Market Study for the Surkhet District : a Case designed for NGOs, collection centers and farmers". Vous ne pensiez tout de même pas qu'Annik avait accouché d'un quatrième... Woooo minute ! Cette période de réflexion tire bientôt à sa fin et non, elle n'est pas enceinte ;)

Alors, dans cette étude, vous trouverez l'essentiel de ce qui se passe au point de vue du marketing dans ma région d'intervention. Ne vous méprenez pas, le marketing ne se résume pas seulement à la promotion, à une pub dans le journal local, une brochure ou un site web. Dans ce coin du monde, le marketing c'est tout sauf ça. Les stratégies que je recommande dans l'étude émergent de plusieurs constats et besoins ressentis. Le sondage terrain sur lequel s'appuie la majorité des conclusions a été assez laborieux. Par contre, je ne peux cacher ma satisfaction face aux résultats provenant des 170 fermiers qui y ont participé au cours des derniers mois. 

Les traits de personnalité du bébé : cartels de grossistes, potentiel coopératif à développer et haute valeur ajoutée de la culture des tomates en remplacement du riz, sans compromis sur la sécurité alimentaire.

jeudi 3 mars 2011

Emma et Alice ; deux BFF

 
BFF = Best Friend Forever

Les 17-18-19 février derniers, Émilie et la belle Alice survolaient le nord-est américain, l'Atlantique, le Moyen-Orient et le continent oriental pour venir nous visiter. En quelques dizaines d'heures dans les airs, 4 vols, 3 escales, 3 heures de route et 10h45 de décalage horaire, elles ont atteint Surkhet en top shape

Et puis, elles ne sont pas de fausses BFF. Quand on demande à Alice pourquoi elle est venue au Népal, elle répond du tac-o-tac: «Voyons, c'est pour la fête à Emma !». Ben oui, évidemment, à quoi je pensais ? Une fille va toujours voir sa BFF pour sa fête, peu importe les contraintes !

Elles sont courageuses. Je les remercie du fond de mon coeur d'être venues se pointer le bout du nez, ici, dans notre petit nid surkhetois. Dix jours de pur bonheur. Emma, Théo, Naomi et François ont tout autant que moi grandement apprécié recevoir cette petite délégation québécoise. Ce séjour s'est déroulé sans agenda. Pas de rush, pas de tourisme, seulement une incursion dans notre routine, notre quotidien. Par leur présence, elles ont ajouté une touche de magie à nos moments en famille. La chaleur, les fous rires, le bonheur, l'aide, les discussions et j'en passe étaient au rendez-vous. Merci à vous deux.

Il faut dire que ces deux BFF se connaissent déjà depuis un bout. Les deux ont cinq ans, Alice bientôt six. Elles se sont rencontrées il y a déjà 4 ans et demi alors que François dînait avec Émilie entre deux classes au début de leur maîtrise à l'IRECUS. Émilie et moi, on se connaissait déjà. Elle était aussi en Techniques de Travail Social au Cégep de Sherbrooke. Par la suite, le Mali marqua nos deux parcours à divers moments.

Aller passer deux semaines au Népal: pfff, rien là pour Alice. Elle a déjà plusieurs vols d'avion à son actif. Son papa est colombien. Elle a visité plusieurs fois sa famille paternelle en Amérique du Sud et a séjourné en Argentine pendant les études de sa maman. Elle est bilingue français-espagnol. Elle aurait bien aimé apprendre le népalais. Toujours de bonne humeur et très sage, elle inspirait beaucoup Emma (et ses parents !) Je vous dis, un modèle cette jeune dame !

Voici un bref aperçu de leur séjour à Surkhet


On commence le petit circuit local par une visite à la garderie d'EDS. Le lendemain, nous visitons Kopila Valley (fondée par Maggie, la jeune américaine), l'autre école où je m'implique. Sur la photo ci-haut, Émilie et Alice posent en plein milieu du terrain de jeu de Kopila Valley School.


Du plaisir à se balancer sur la ''pinne', une balançoire traditionnelle fait de bamboo.


Le diner à Kopila: un bon dal bhat épicé, un peu trop même...


Cette semaine, je n'ai pas couru comme une dinde. J'ai plutôt essayé de leur courir après... Puis, dans la soirée, Maggie a décidé de faire abattre une de ces dindes pour la partager avec ses amis volontaires et autres occidentaux de passage à Surkhet. On a fait une fête sur le toit de la maison de James, un ami pilote d'avion, formule "potluck". Ensuite, le groupe fut initié au jeu de loup-garous, traduit et animé par François. 


Le lendemain, on se dirige au marché. Une visite chez le vendeur de tissu s'impose. Nous voulions offrir aux filles des kurtas de '' princesse''. Le rose, le violet et le turquoise furent les couleurs réclamées. Emma et Théo, (surtout Théo) donnaient du fil à retorde au petit vendeur. ChokChoké ce Théo, comme ils disent ici.


Les mensurations chez le couturier. Supervision requise.


Une longue marche pour voir un peu les montagnes et un arrêt pour prendre un "dew", un "fanta", un "sprite" et du chocolat .


Les cadeaux qu'Émilie et Alice ont apportés. Les animaux ont été le grand succès pour Théo et Naomi.


Nous somme photogéniques. Vous ne le savez pas mais plus de 40 personnes nous regardaient... deux belles poulettes blanches en visite dans le village de Baddichaur. Pendant ce temps, François donnait une formation à des fermières. Et les enfants? Ils dessinaient avec d'autres enfants népalais, une foule d'enfants ! On avait assuré, quand même. On avait fait le plein de crayons et de pages à colorier avant de partir pour ce daytrip.

 

Le running gag: Le monsieur avec la bedaine à côté d'Émilie est chargé de projet régional pour le CECI à Surkhet. Il lui a dit : « Bon, on va prendre une photo, comme cela on va pouvoir dire à l'ACDI que l'on fait bien des choses au CECI.» Il  pensait qu'Émilie travaillait à l'ACDI. Il n'avait pas compris qu'elle collaborait seulement avec l'ACDI. Pour la cause, Émilie a posé plein de questions. Le monsieur était très content. Les enfants eux, ont joué dans la boue et dans l'eau à la source des canaux d'irrigation en construction.


 Les kits de princesses, version népalaise, fabriqués 2 jours auparavant.


Belle pose avec la main élégante. Nous étions en visite culturelle chez Tulsi.


Émilie et sa kurta jaune soleil et bleu poudre.


Tulsi et Naomi qui tappe des mains afin d'encourager Théo à danser.


Un bon dal bhat sur la «terrasse» de Tusli


François et petite Tulsi


Petite Tulsi aime bien maquiller Emma lorsque l'on va chez grande Tulsi. Cette fois-ci, elle en avait 2 à pomponner.


Théo est en haut dans la chambre à Nobin. Je lui demande : «Théo, t'es où ? Il répond: «Théo est en haut !»


Les Best Friends Forever. Du moins, on l'espère parce nous, on vous aime beaucoup !


Avant de partir, le dernier repas a été cuisiné en grosse partie par les filles. Au menu, des momos faits maison.


Un départ qui s'est fait sous un trop-plein-d'émotions.


Un dernier aurevoir avant cette ride d'autobus qui partait de Surkhet à 15h pour arriver le lendemain matin à Katmandou à 8h am. 17 heures pour 400 km agrémenté de quelques vomis de madames. Apparemment, Alice a très bien fait ça.

Merci encore d'avoir épicé nos journées. À bientôt vous deux. Prochain rendez-vous: l'anniversaire d'Alice à la fin avril. Emma ne raterait pas ça pour rien au monde. Il y aurait même des pourparlers d'amorcés pour une participation commune sur un camp de jour à voile d'une semaine sur le Lac Aylmer. À suivre.