Moi aussi, je suis fâché. Fâché et impuissant devant la situation ici, dans l'Ouest du Népal. Étant sur le terrain où les hélicoptères du Programme Alimentaire Mondiale (PAM) bourdonnent à la longueur de journée, je me suis posé plusieurs questions du genre : les nourrir ou les laisser crever ? C'est cru, n'est-ce pas ? La réalité est qu'ici, dans l'ouest du Népal, 1,6 millions de personnes sont dans une situation d'insécurité alimentaire dans près de 163 districts. Évidemment, nous avons le devoir et l'obligation morale de ne pas les laisser crever. Par contre, la solution pratique à long terme ne passe pas forcément par ce flux de vivre ad vitam éternam.
La région est en déficit alimentaire depuis 2005. Selon le PAM, 21 M$ additionnels sont nécessaires dès maintenant pour réussir à répondre à la demande seulement pour cette année. Ils devront couper les vivres à 6 districts à la fin novembre. Des milliers de personnes devront passer de deux repas par jour à un seul.
Comment font-ils pour passer à travers ? En retirant leurs enfants de l'école, en les envoyant travailler en Inde. Ça fait une bouche de moins à nourrir. D'où la question que plusieurs se posent :
Ces gens occupent le territoire du Népal. Ils possèdent des lopins de terre. Ils ont des maisons. S'ils migrent vers le sud, ils perdraient tout leurs actifs actuels acquis au fil des générations. Que feraient-ils à Surkhet, à Katmandou ou en Inde ? Ils se retrouveraient fort probablement dans une situation très précaire, ou bien dans la rue.
Contrairement à plusieurs pays où le PAM intervient, il n'y a plus de guerre civile qui sévit au Népal. Il n'y aucune catastrophe naturelle mis à part les difficultés reliées à la mousson annuelle. La capacité de la région de produire suffisamment de denrées alimentaires est en déclin depuis 2005. Ainsi, le PAM et le Nepal Food Corporation (NFC), l'agence du gouvernement népalais également actif dans la région, se retrouvent dans une situation où ils doivent et devront acheminer des vivres sans connaitre le jour où ils cesseront. Est-ce que cela pourrait produire un phénomène de dépendance des populations locales face à cet aide ?
Une anecdote qui fait peur
Comment font-ils pour passer à travers ? En retirant leurs enfants de l'école, en les envoyant travailler en Inde. Ça fait une bouche de moins à nourrir. D'où la question que plusieurs se posent :
Pourquoi restent-ils sur ces caps de roc incultes ?
Pourquoi ne pas les relocaliser ?
Pourquoi ne pas les relocaliser ?
Les avions pilotés par nos amis kiwis et autrichiens, contractés par le PAM . Ici, ils sont à Simikot |
Contrairement à plusieurs pays où le PAM intervient, il n'y a plus de guerre civile qui sévit au Népal. Il n'y aucune catastrophe naturelle mis à part les difficultés reliées à la mousson annuelle. La capacité de la région de produire suffisamment de denrées alimentaires est en déclin depuis 2005. Ainsi, le PAM et le Nepal Food Corporation (NFC), l'agence du gouvernement népalais également actif dans la région, se retrouvent dans une situation où ils doivent et devront acheminer des vivres sans connaitre le jour où ils cesseront. Est-ce que cela pourrait produire un phénomène de dépendance des populations locales face à cet aide ?
Une anecdote qui fait peur
Ludwig, le pilote autrichien, à gauche. |
L'autre jour, notre ami Ludwig nous a raconté une histoire d'horreur qu'il a vécu. Il y a eu des délais dans l'acheminement des stocks de riz par voie terrestre vers l'aéroport de Surkhet. Le pont aérien de Surkhet vers un des districts en déficit alimentaire majeur n'avait pas eu lieu depuis une semaine. Lorsque Ludwig est atterri sur le tarmac de gravelle, des dizaines de personnes se sont rués sur l'appareil pour s'emparer des sacs de riz avant même que l'avion ne soit immobilisé.
Un policier local est venu voir Ludwig avec un côté de la tête ensanglanté. Terrorisé et désemparé, ce dernier s'était fait mordre et arracher une partie de son oreille par un habitant qui ne voulait pas respecter le règlement disant que personne ne devait aller sur le tarmac avant que l'avion n'atterrisse, question de sécurité. La veille, la communauté avait voté pour la destitution de ce policier et de ses collègues. Les deux ou trois policiers n'avaient plus l'autorité pour faire respecter la loi. Le chaos, quoi.
Ludwig s'est empressé de demander aux policiers de tenter de regrouper et contenir les gens hors de la piste de décollage pour qu'il puisse quitter le plus rapidement possible tandis que la tension montait au sein des citoyens affamés qui se tiraillait pour obtenir leur part. Le policier pensait que c'était la meilleure chose à faire; que l'avion quitte plus sacrant pour que les gens se calment.
James, notre ami kiwi (de la Nouvelle-Zélande). Il est également pilote d'avion. On le voit ici devant un hélico du PAM |
La méthode dont cet apport de nourriture est géré au plan local demeure toujours mystérieux pour moi. Le PAM a un programme qui s'appelle le Food/Cash For Assets (FCFA). Ce dernier cible les communautés les plus vulnérables à l'insécurité alimentaire. L'objectif est de rétribuer les bénéficiaires en riz contre un travail accompli par ceux-ci. Les activités plutot manuelles n'exigent aucune qualification particulière. Il s'agit de la construction et réparation de routes, de systèmes d'irrigation, d'étang pour faire de la pisciculture, etc. Ces projets sont conçus pour avoir lieu entre la période de plantation et de récolte du riz, lorsque les réserves de nourriture sont à leur plus bas.
En théorie, c'est bien beau, dans le meilleur des mondes. Mais en pratique, le programme ne peut pas forcément être mis en oeuvre. L'anecdote de Ludwig démontre que les conditions ne sont pas toujours réunies. Sans parler du commerce du riz qui peut exister avec ces dons.
Des locaux qui déchargent les mastodontes du PAM |
Il y aussi des impacts négatifs potentiels : distorsion des prix du riz sur le marché local, des fermiers qui délaissent la l'agriculture afin de travailler pour le PAM, les savoirs agricoles qui se perdent.
Le peuple népalais est fier. Reconnaître que des gens souffrent de malnutrition et vivent des situations d'une précarité qui peut laisser place au chaos n'est pas évident. La solution n'est pas manifeste. Les nourrir ou les laisser crever ne doit pas se poser comme dilemme. Pourtant nos gouvernements qui financent le PAM se la posent puisqu'ils sont ceux qui décident du sort de ces population par les sommes qu'ils allouent au programme. Mais quelles sont les autres options ? Je fais un appel à tous !
Est-ce que la relocalisation est une solution valable ? Au Québec, l'expérience de l'Opération Dignité dans le bas du fleuve durant les années 60 nous a démontré que vider une région de son peuple peut également créer d'autre hémorragies.
Revenir sur une agriculture de subsistance adaptée à une terre de caien ? Connecter ces régions par voie terrestre au PC ? Nourrir ou laisser crever ?
Il y a une chose que vous pouvez faire immédiatement, c'est d'aller signer la pétition mondiale pour se révolter contre le fait qu'il y ait 1 000 000 000 de personnes qui souffrent de faim chronique: 1billionhungry.org. Nous sommes déjà plus de 3 millions à l'avoir signé. Le site est très bien fait, il soulève des solutions globales à mes questions.
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