mardi 25 janvier 2011

Tourisme médical forcé



Avis aux cœurs sensibles; s’abstenir.

Comme on l’avait mentionné dans le premier blog de cette série sur l’Inde, il nous est arrivé quelques péripéties. Le matin que l’on quittait Sabrina, à Agra, Emma avait vomit à quelques reprises durant la nuit. Notre première hypothèse était qu’elle subissait un empoisonnement alimentaire. Ce matin là, notre train devait quitter la station à 7h00 am. Première observation : il sera en retard d’une heure et ensuite d’une autre heure et d’une autre et finalement de 5 heures. Vive les horaires indiens!

Emma continuait de se sentir malade. Elle s’est mise à avoir une diarrhée. Super ! Quoi de mieux en attendant un train qui arrivera lorsqu'on ne le sait pas. J’ai même pleuré une fois. En attentant le train, 2 enfants sont venus me faire une présentation d’acrobaties vers 8h00. C’était glacial. Le garçon, âgé d’environ 4 ans, s’est mis à faire une roue latérale nu pied. Sa sœur de 6 ans, la même chose. Elle jouait du tambour, ou plutôt une canne de conserve avec un bâton de bois. J’ai alors pensé qu'ils pourraient être mes enfants. Ils ont presque les mêmes âges. Nous leur avons donné une banane et une goyave qu’ils ont presque instantanément engouffré pour combler leurs ventres vides.

Le froid et l'humidité nous transperçaient la peau jusqu'aux os. Les enfants avaient faim. Notre patience s'usait. On tente un premier traitement d'antiobiotiques oraux avec Emma. Un liquide qu'elle vomit quelques instants plus tard. 

Enfin, on finit par partir à 12h15! Selon le contrôleur du train, nous arriverons à Lucknow à 18h00. Nous préparons un plan: si ça ne va pas mieux, nous irons à l’hôpital en arrivant. 

Bon, nous ne sommes pas au bout de nos peines: Emma recommence à vomir. Nous lui préparons une solution de réhydratation saline remplie d'électrolyte (Hark!). À chaque fois qu’elle ingère une gorgée, le tout ressort quelques instants après. À un certain moment, elle commence à réaliser que lorsqu’elle boit, elle vomit. Elle finit par nous dire qu’elle ne veut plus boire… Le train s’arrête,  s’arrête, et s'arrête sans cesse. Le voyage nous semble interminable. Il ne fait pas seulement sembler, il l’est !




La classe dans laquelle nous sommes s’appelle « sleeper ». Je dirais plutôt bas de gamme. Ces places étaient les seules disponibles. 10$ pour une banquette (3 places). C’est simple. La nuit, les banquettes se transforment en lits, 6 lits dans un petit compartiment. Nous avions l’ordinateur qui nous a sauvé. On a regardé des bonhommes de Disney pour tenter de raccourcir le fil du temps.


Les heures passent et ça ne va pas mieux. Emma dort et se réveille pour vomir. Vraiment, nous, ça va pas. Il est 17h30 et on demande à notre voisin de train de nous avertir lorsque nous arriverons près de Lucknow. Il nous dit que ce sera probablement vers 21h00. Là, on veut pleurer. Un cauchemar, je vous dis. Un cauchemar en état d'éveil, pincez-moi quelqu’un ! On commence à regarder des possibilités d’hébergement et d’hôpitaux.

Notre voisine d'en haut, au Népal, est indienne. Elle vit normalement à Lucknow. Elle nous avait laissé par chance ou par inutilité, je devrais dire, le numéro de téléphone de sa fille docteure et de son beau-fils pédiatre. Les deux travaillent à Lucknow, capitale de l'Uttar Pradesh, cet état important du Nord de l'Inde. Elle avait pris soin de nous dire : «chez ma fille, vous serez accueillis à bras ouverts comme si vous étiez chez moi». On décide alors d’appeler sa fille. On finit par parler au beau-fils. 

Le gars au bout du fil a un accent  très prononcé. Primo,  il nous dit qu’elle doit s’hydrater (tu déconnes mec, comme si on ne le savait pas). Secundo, de se rendre à l’hôpital gouvernemental, nous disant que les services étaient meilleurs que dans les hôpitaux privés. Nous avons de la difficulté à croire ce mensonge. En fait, même la plus innocente des personnes sait très bien que c’est faux. Au Népal ou en Inde, tu te diriges vers un hôpital gouvernemental lorsque tu n’as pas le choix ou pas d’argent. On ne sentait pas trop la volonté de nous aider dans son ton de voix. On rappelle en lançant un cri de désespoir mais le gars au bout du fil semble s’en foutre. On aimerait lui dire d’aller paitre mais on demeure poli!

Le téléphone cellulaire de notre samaritain dans le train peut se connecter à Internet, heureusement. Alors, on a  fait des recherches pour trouver un endroit où loger. Nous rejoignons une dame propriétaire d'un bed and breakfast. Elle nous conseille de se rendre chez elle. Entre-temps, elle appellerait des docteurs de son côté pour nous aider. Merci à cette dame et à ce monsieu. Enfin des gens qui nous donnent un sérieux coup de main.

On arrive à Lucknow à 22h00 complètement épuisés et exaspérés par tous ces mendiants venus nous quémander de l’argent presque'à la queue leu-leu durant toute la durée ces 10 heures de train. Ils restaient parfois plusieurs minutes devant nous, nous tendant leur creux de main. C’était agaçant, pour ne pas dire ÉNERVANT. 


Un taxi mobilisé par la dame du B&B est là, un peu plus loin. On se rend à l’auberge et la dame nous suggère de passer la nuit chez elle. Elle nous conseille de se rendre dans une clinique privée le lendemain matin. Elle nous donne du gravol pour Emma, ce qui l’aidera à passer la nuit sans vomir pensions-nous naïvement ! 



Le lendemain matin, on se rend avec l’aide d’une personne de l’auberge dans un  premier petit établissement de santé : le Handa Hospital. Elle nous informe qu’elle ne connait cependant pas les lieux. Le personnel parle à peine anglais. Le docteur nous suggère d’aller voir le pédiatre dans un autre endroit en ville. On nous y conduit. Il dit qu’Emma serait atteinte d’une gastro-entérite et qu’elle est dans un stade de déshydratation avancé. Elle doit être mise sous soluté immédiatement. Ok, diagnostic rapide, mais cohérent. Fait moins cohérent: il nous dit que ce n’est pas contagieux. 

Emma est mise sous soluté à notre retour à l'hôpital. Elle pleure. Maudites aiguilles ! Je demeure donc à la clinique avec Emma et Naomi pendant toute la nuit qui suit. Pendant la nuit, je me réveille et je vois Emma assise sur le lit. Je vois qu’elle a perdu son soluté et qu’il ya une flaque de sang par terre. Je capote. J’appelle l’infirmière. Elle ne parle pas anglais. Elle me répond : « BOLI (demain en Hindi) »! Quoi, non madame, tu viens tout de suite, right now! Ok madame… 10 minutes plus tard, elle n’est toujours pas là! Je rappelle. C’est un monsieur. Là je ne suis pas contente! Il vient me voir, oh…. What happened? Elle a perdu son aiguille. Le gars essaie de remettre l’aiguille en place. Pas capable. Emma crie: ça fait mal ! Il finit par fermer le trou et me dit demain! Hey, là je bouille! 

Le lendemain matin, le même infirmier (si c'était sa fonction) lui remet son soluté à l’aide du chauffeur de taxi, qui décrivait son poste comme étant « multi task job »! Le pédiatre vient nous voir. Vers 18h30, l’infirmier termine le soluté. Emma recommence à nouveau sa diarrhée à toutes les 5-10 minutes. Ses vomissements sont sous contrôle. On s’en va à la toilette. François me quitte et je devrai passer une autre nuit d’enfer. On convient qu’on quittera cet hôpital de merde dès l’aurore. Après 11 diarrhées, je dis au « multi task man », je pense que ce n’est pas normal. Il me répond : « there is no problem ! » Quoi tu me niaises ! Je lui demande si lui-même allait à la toilette 11 fois d'affilées en moins de 2 heures, est-ce qu'il aurait un problème ? Il me dit que non, c’est correct. Elle boit, elle s’hydrate ! Hey le multi task man, ce n’est pas normal! Je sens que je vais devenir maline ! Vers 22h00, François revient me voir et il me dit : « Annik, on s’en va.  On part. On va ailleurs. On s’en va au Sahara.» Branle bas de combat pour avoir notre dossier médical que le personnel de l’hôpital ne veut pas nous remettre. On quitte, furieux.



Le Sahara est un MÉGA hôpital. Des lions (des statues) nous accueillent à l’entrée. On nous accueille en anglais, thank you! Un pédiatre spécialiste on duty diagnostique Emma sur le champs: gastro-entérite aigue. Confirmé par la suite par une série de tests. On sent que le personnel est qualifié, du moins plus qu’à l’autre endroit. On demande une chambre privée, question de mettre tout le monde ensemble et d'avoir un minimum d'intimité.


La patiente et la patiente mère!


Une télé plasma en prime : Merci encore. On a pu regarder des clips musicaux de films indiens, dont Tees Maar Khan, pendant 3 jours !





Question d’agrémenter notre séjour, Annik, Naomi et Théo sont aussi tombés malades à leur tour. On nous annonce que la gastro d'Emma est hautement contagieuse. Wow, quelle surprise ! Diarrhée pour Naomi et maman.  Perpétuels vomissements pour Théo. Contrairement à Emma, nous avons heureusement pu intervenir à temps. Vraiment, on a eu du plaisir en Inde. Nous nous en sommes sortis. Nous étions heureux de partir pour retrouver notre maison à Surkhet. Cher Népal on t’aime pas mal finalement !


Départ: 8h30. Nous arrivons  aux douanes indiennes-népalaises vers 14h30. On rempli 3 fois des papiers similaires (numéros de passeport, départ, arrivée, résidence, no de visa, etc) pour les 5 ! Quelle bureaucratie  inutile. Bye Bye INDE!!!

Voici une citation que j’ai lu dans un livre sur l’Inde récemment. Elle se retrouve dans une lettre que Winston Churchill a écrit à sa mère en parlant de Calcutta, une ville en Inde.

Je serai toujours heureux de l’avoir vue- et donc de savoir que je n’aurais plus jamais à la revoir »[i] (Bumiller, 2002, p.242). 

Moi, je dis la même chose mais pour l’Inde dans sa totalité ! On part des frontières, il est 16h30. Nous quittons l'épais brouillard des derniers jours dès que nous revenons en terrain montagneux, dans le district de Surkhet, comme si notre région nous accueillait sous «un ciel nouveau». On arrivera à Surkhet vers 20h00. Enfin, nous sommes arrivés sains et saufs. Nous avons pris enfin une douche chaude, parce qu’à l’hôpital nous n’en n’avons pas eu durant tout ce séjour; la douche était brisée… Télés plasma, personnel médical qualifié, murs et planchers en marbre, réception démesurée mais pas de douches.



[i] (Bumiller, E, 2002, Que vous soyez mère de cent fils- Un voyage parmi les femmes de l’Inde, New Delhi, 347p.)


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